Le roi nu Lorsque j’ai été confronté pour la première fois aux bovidés bariolés qui occupent actuellement les rues de Bruxelles, les deux mots qui me sont immédiatement venus à l’esprit sont : vache folle . Je n’étais d’ailleurs pas le seul à opérer le rapprochement. Dans les jours qui suivirent l’apparition du troupeau dans la ville, combien de fois n’ai-je pas entendu autour de moi : « Oh, une vache folle !», « Regarde, la vache folle ! ». Fort de cette observation, et ignorant tout de la nature de l’événement, je suis allé jusqu’à me demander s’il ne s’agissait pas de l’œuvre d’un artiste subversif qui, de façon miraculeuse, aurait obtenu des subsides pour remettre en question notre rapport à l’alimentation. Évidemment, j’ai vite déchanté. L’entreprise
est avant tout publicitaire. Elle implique près de deux cents sponsors
(un par vache, sans compter les parrains officiels), et autant d’«artistes».
En fait d’artistes, il s’agit au mieux de colorieurs inspirés,
assujettis à leur patron et dont aucun ne peut revendiquer le choix
du support de son «œuvre». Or on sait qu’une
vache n’est pas simplement une vache. Elles est un enjeu économique,
faisant partie d’un système de production déterminé,
au sein duquel elle est d’abord envisagée comme produit de
consommation courante. On sait également que pour vendre un produit,
il faut le montrer le plus souvent possible et sur le plus grand nombre
de supports possibles. Dans cette optique, la Cow Parade apparaît
sous un jour moins glorieux : elle prend tous les traits d’une campagne
publicitaire pour la viande bovine. Grâce à elle, on mangera
encore plus de bœuf en Belgique. Elles nous disent : Oublions tout cela. Rien ne s’est passé, Le premier qui pense à la maladie de Creutzfeld-Jakob a perdu. |